• Sur le plan purement technique, la prise de son est une véritable splendeur sachant architecturer les différents plans sonores tant orchestraux que vocaux et conférer à l’ensemble une homogénéité inégalée et une vérité théâtrale très rarement obtenue dans un studio d’enregistrement. La direction de Solti fait montre d’une efficacité dramatique et avec l’aide d’un des plus beaux orchestres du monde, le Wiener Philharmoniker, met en valeur toutes les beautés de la partition. L’option retenue ici s’oriente davantage vers le conte de fées; toutefois les scènes dites maçonniques sont rendues avec beaucoup de majesté et de sobriété à la fois. Quant à la distribution, elle est tout simplement idéale dans le sens où DECCA a réuni pour cet enregistrement dans chacun des rôles tous les meilleurs interprètes du moment, lesquels, pour certains d’entre eux, ont été à ce jour peut-être parfois égalés mais jamais surpassés.

    Stuart Burrows est un Tamino de haut vol: autant ses incursions dans le répertoire italien du 19ème siècle sont discutables, autant Mozart et particulièrement ce rôle de Tamino lui conviennent à la perfection tant son chant s’avère à la fois déterminé, subtil et racé tout comme c'était le cas avec Wunderlich chez Böhm II. Il était difficile a priori de se mesurer à la Pamina sublimissime de Gundula Janowitz (qui est l’une des rares justifications de l’achat de la version Klemperer) et pourtant Pilar Lorengar parvient presque à se hisser au même niveau: Là où Janowitz jouait de la pureté absolue de son timbre, Lorengar joue la carte de la féminité empreinte d’une certaine sensualité (qui se traduit par le frémissement d’une voix homogène et colorée). Hermann Prey a marqué de son empreinte le rôle de Papageno pendant de longues années sur toutes les scènes internationales et , en l’écoutant, on comprend bien pourquoi: il traduit à merveille la naiveté, la joie, la peur, le désespoir, la lâcheté de son personnage. Bref, il est merveilleusement humain. On n’en dira pas autant des deux têtes couronnées que sont Sarastro et la Reine de la Nuit tant les interprètes retenus ici sont vocalement surhumains. Martti Talvela a peut-être (avec Kurt Moll) la voix de basse à la fois la plus noire, la plus profonde et la plus puissante qui ait jamais existé depuis l’ère du disque et pourtant, par delà l’impression énorme que fait cette voix, l’interprétation ici est d’une luminosité et d’une humanité absolues. Ses deux airs sont de toute beauté. Cristina Deutekom triomphait sur toutes les scènes pour sa spectaculaire et inouie interprétation de la Reine de la Nuit au point d’avoir été consacrée par la critique internationale “plus grande Reine de la Nuit du Monde”. Par delà un débat qui a déjà eu lieu sur tant de forums, force est de constater que jamais le disque ne nous a offert une meilleure synthèse de volume vocal, d’étendue de la tessiture, de facilité dans le suraigu (les contre-fa les plus spectaculaires de la discographie!), de vaillance technique et de caractérisation dramatique. Une vraie Reine de la Nuit surnaturelle! On a fait aussi bien (Edda Moser) mais pas mieux! Le reste de la distribution est de la même volée avec notamment l’extraordinaire Sprecher de Dietrich Fisher-Dieskau (bien plus à sa place ici que dans le rôle de Papageno chez Fricsay et chez Böhm), le Monostatos de Gerhard Stolze inquiétant à souhait, l’espiègle Papagena de Renate Holm sans compter les nobles interprétations des deux hommes d’armes par René Kollo et Hans Sotin.

    Solti a réenregistré la Flûte Enchantée depuis avec nettement moins de bonheur. Les miracles ne se produisent qu’une fois.


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